Chaque année, la Banque de France passe en revue la solidité financière des entreprises, puis attribue une cotation, une information indispensable aux banques. Cette année, les notes ne seront pas révisées avant l’automne, afin de laisser aux entreprises le temps de récupérer du choc économique actuel.
Nous vous relayons cette article très complet sur le sujet, rédigé par Olivier Buisine, Président de l’IFPPC (Institut français des praticiens des procédures collectives)
Chaque année, la Banque de France attribue une cotation à plus de 270 000 entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 000 euros. La notation bancaire a un impact sur les perspectives de financement de l’entreprise auprès des banques. Au cours de la crise sanitaire, la structure de l’endettement des entreprises a évolué, compte tenu notamment des 140 milliards d’euros accordés par les banques dans le cadre des PGE. Décryptage des enjeux liés à la notation bancaire en sortie de crise.
Contexte
En fonction du niveau de chiffre d’affaires de l’entreprise, une cotation d’activité est allouée à l’entreprise (lettre A à N selon la taille de la société). La cote de crédit varie quant à elle de 3 ++ (excellente) à 9 (situation compromise), outre la mention P en cas de procédure collective. La cotation est effectuée à dire d’expert suite à la communication de leur bilan par les entreprises.
Dans le cadre de la crise sanitaire, la Banque de France a décalé sa campagne 2020 de notation eu égard à l’évolution de l’endettement consécutif au recours massif aux PGE. La structure du passif des entreprises a drastiquement changé en un seul exercice, ce qui aura une incidence sur les possibilités futures de recours à l’emprunt. Cette nouvelle configuration de l’endettement des entreprises aura également un impact sur leur valorisation en cas de cession.
Déclaration de défaut par les banques
Les banques sont soumises à des règles européennes très strictes en matière de provisions liées à des défauts de paiement de leurs clients en difficulté. Un encours doit être considéré en défaut par une banque lorsqu’il présente un impayé de plus de 90 jours ou s’il est probable que le débiteur ne puisse pas honorer tout ou partie des remboursements.
La déclaration de défaut par une banque concernant un PGE entraîne, par principe de contagion, le défaut pour les autres crédits consentis à l’entreprise. Ces pratiques ne sont pas harmonisées entre les établissements bancaires et le comportement d’une banque a donc mécaniquement une incidence sur les autres établissements d’un pool bancaire au détriment de l’entreprise en difficulté.
Limites des dispositifs de prévention et de traitement des difficultés des entreprises
L’éventuel différé de remboursement du PGE d’une durée de douze mois constitue une modalité d’amortissement, qui n’est pas considérée comme un événement de crédit, au sens de l’arrêté du 23 mars 2020. Ce différé n’impacte donc pas la cotation bancaire, sauf s’il existe par ailleurs des éléments défavorables concernant la situation de l’entreprise.
En cas de difficultés, les entreprises peuvent se placer sous la protection du président du tribunal et solliciter une procédure de prévention (mandat ad hoc ou conciliation). Ces procédures confidentielles permettent à l’entreprise de négocier des moratoires avec ses créanciers dans un cadre sécurisé, sous l’égide d’un tiers, généralement un administrateur ou un mandataire judiciaire. La procédure aboutit, en cas d’issue positive des négociations, à la rédaction d’un protocole d’accord. Lors de la conciliation, l’accord peut être constaté par le président ou homologué par le tribunal. La restructuration des prêts (dont les PGE) et la publicité du jugement d’homologation constituent toutefois des cas de défaut susceptibles de dégrader la notation bancaire. Telle une réaction en chaîne, la détérioration de la notation bancaire peut avoir elle-même une incidence sur l’assurance-crédit.
Lors de difficultés avérées, les entreprises peuvent bénéficier de procédures collectives ouvertes par le tribunal visant à maintenir l’activité et les emplois qui y sont attachés (sauvegarde et redressement judiciaire). En cas de procédure collective, la notation bancaire reste durablement dégradée, y compris quand l’entreprise est en phase d’exécution du plan d’apurement judiciairement accordé, ce qui limite l’accès aux nouveaux financements (acquisition de matériels et véhicules nécessaires à l’exploitation).
Communiquer sur les modalités de fixation de la notation bancaire
Ces informations restent peu connues des chefs d’entreprise et de leurs conseils habituels (experts-comptables, commissaires aux comptes, avocats). Communiquer davantage sur les modalités d’élaboration de la notation bancaire faciliterait certainement la prise de décision des dirigeants au cours de la vie de l’entreprise.
Rôle de la médiation du crédit
La médiation du crédit a joué un rôle important au cours de la crise sanitaire concernant les difficultés d’octroi de crédit. Plus de 14 000 entreprises ont ainsi été accompagnées dans ce cadre en 2020. Dans un cas sur deux, une solution a pu être trouvée au profit des entreprises.
Vers un accord de place ?
La Commission européenne envisage de prolonger le régime d’encadrement temporaire des aides d’Etat jusqu’au 30 juin 2022. A l’issue de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, les PGE devraient pouvoir être souscrits jusqu’au 30 juin 2022 et les prêts participatifs susceptibles d’être consentis jusqu’au 31 décembre 2023. Les entreprises connaissent actuellement des difficultés de recrutement et de maîtrise du coût des matières premières. La rigueur des règles relatives aux prêts non performants (créances douteuses) entraîne par effet de domino des difficultés supplémentaires pour l’entreprise, qui accepte pourtant de se placer sous la protection du tribunal.
Un accord de place négocié sous l’égide de Bercy entre les différents acteurs du financement et de la restructuration des entreprises permettrait sûrement de pallier ces difficultés dans l’intérêt des entreprises, de leurs salariés et de leurs dirigeants.
Olivier Buisine, Président de l’IFPPC (Institut français des praticiens des procédures collectives)
Source : Le monde du chiffre